La bataille de l’eau n’est pas terminée
Publié par cedric - le 15/02/2008
LANDES. Le Conseil d’État a tranché : le Département continuera à subventionner les collectivités qui gèrent l’eau en régie publique. Mais le privé ne renonce pas.

:Dominique Richard

Le Département des Landes peut continuer à subventionner les communes et les groupements de communes qui gèrent l’eau et l’assainissement dans le cadre de régies publiques. Le Conseil d’État vient d’annuler l’ordonnance rendue en référé au mois d’août dernier par le tribunal administratif de Pau. Ce dernier, saisi par la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, avait ordonné la suspension immédiate des aides, estimant que la politique volontariste menée par le Conseil général risquait de conduire à bref délai beaucoup de collectivités à délaisser le privé.
Aujourd’hui, le juge palois se retrouve sèchement désavoué. La plus haute juridiction administrative française considère qu’il a « totalement dénaturé les faits » en prenant pour argent comptant les « allégations » de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau. Celle-ci produisait une liste de communes ayant basculé ou susceptibles de basculer dans le public sans établir un lien de causalité avec les délibérations prises par le Conseil général de Landes (1).


Privé sur le recul. Le socialiste Henri Emmanuelli, le président du Département, mène une bataille sans concession et éminemment politique contre les grandes sociétés d’eau. Tout est parti d’études réalisées en 1995. À l’époque, elles avaient démontré que le prix moyen du mètre cube d’eau facturé par le privé dans les Landes était supérieur de 70 % à celui distribué par les régies.
Le Conseil général a alors décidé de jouer sur deux tableaux. Il a introduit une discrimination dans les aides accordées pour les travaux. Les collectivités en régie ont vu leur taux de subvention s’accroître alors qu’il diminuait pour celles ayant affermé leurs services. Mais c’est surtout la création du Sydec, le Syndicat mixte départemental d’équipement des communes, qui a fait reculer le privé.
Doté de moyens humains et techniques étoffés, cet outil apporte une expertise comparable à celle des grandes entreprises. Soit en jouant un rôle de conseiller auprès des communes désireuses de reprendre le contrôle de leurs réseaux, soit en assumant la régie de celles qui en sont incapables. La présence du Sydec a sécurisé les élus et convaincu certains syndicats intercommunaux de ne plus déléguer le service de l’eau aux grands groupes.


Résultats concluants. Dans les Landes, le public ne cesse de gagner du terrain. 99 communes sur 331 géraient l’eau en régie en 2003. Elles étaient 165 en 2006. En matière d’assainissement, au cours de la même période, 50 communes ont elles aussi franchi le pas. Redevenu compétitif, le public a réveillé la concurrence. Pour conserver ses fiefs, le privé est obligé de passer ses marges au « Kärcher ». Selon le Conseil général des Landes, à Mugron et à Capbreton, la Sogedo et la Lyonnaise des eaux ont dû baisser leurs prix de 34 et 20 % pour ne pas perdre leurs contrats.
Même si le privé distribue 75 % de l’eau dans l’Hexagone et réalise près de 60 % de l’assainissement, les majors craignent que l’exemple landais ne fasse tache d’huile. En 2005, Suez Veolia et la Saur pensaient pourtant avoir circonscrit la rébellion. Un parlementaire UMP, sensible au lobby de l’eau, avait obtenu du Parlement le vote d’un amendement interdisant aux conseils généraux de moduler leurs aides. Raison invoquée : « Ne pas fausser la concurrence entre privé et public. »
Le Conseil général a répliqué en modifiant le régime de ses aides. Celles-ci sont désormais dites à condition. Pour en bénéficier, les communes doivent être en régie. La Fédération des entreprises de l’eau a immédiatement attaqué la délibération des élus landais. Le procès devrait durer? quelques années. Henri Emmanuelli n’abdiquera pas. « L’eau ne doit pas être considérée comme un bien marchand. Personne ne peut s’en passer, s’exclame-t-il. Est-il raisonnable d’en confier la gestion à des entreprises dont la motivation première est la marge bénéficiaire ? »
(1) L’affaire devrait être jugée au fond dans les mois qui viennent