à lire dans Libération du jour
Publié par cedric - le 08/11/2007
Le oui socialiste sur la voie de droite
Europe. En choisissant d’approuver le traité, le PS s’éloigne un peu plus de la gauche.
MICHEL ONFRAY
QUOTIDIEN : jeudi 8 novembre 2007
La trêve présidentielle terminée, le Parti socialiste retrouve ses vieux démons et ne sait plus comment se démarquer de façon crédible du libéral Sarkozy. Des ministres débauchés, des hommes de main appointés dans des commissions Théodule, des sympathisants socialistes embauchés, le parti de Hollande ne sait plus comment faire croire qu’il pourrait être encore de gauche…
Sur l’Europe par exemple : comment dire comme Sarkozy, autrement dit voter son texte, tout en laissant croire qu’on n’a rien à voir avec lui, sa politique et son gouvernement ? De quelle façon distinguer le oui sarkozyste du oui socialiste ?
Sottises. La candidate socialiste a largement utilisé les ficelles de la démagogie pour tâcher d’être élue : investie par le PS, aspirante à la fonction suprême, elle défend les 35 heures, elle promet le Smic à 1 500 euros puis, une fois écartée par les électeurs, avoue qu’elle ne croyait pas une seconde à ces sottises – pas plus que Sarkozy et Bayrou…
Ségolène Royal avait également promis un nouveau référendum sur l’Europe, forte de cette idée si peu démocratique et tellement tactique qu’il faut refaire un référendum perdu jusqu’à ce qu’on le gagne… Cette promesse vient de rejoindre la corbeille à papier des socialistes majoritaires. On imagine cette femme pilotant les destinées de la France et usant de ce type de cynisme dont elle prétendait vouloir débarrasser la classe politique !
Bobos. Le problème du PS, désormais dans l’opposition pour un long temps, n’est pas, semble-t-il, de se refonder au regard des idées ou d’une thématique qui reprendrait les fondamentaux socialistes, mais de reconquérir le pouvoir le regard braqué sur les sondages et les études d’opinion. Dès lors, comment tenir les deux bouts : l’alignement sur la politique européenne de Sarkozy, et une franche et claire opposition sur le fond ? Et ne pas donner aux électeurs l’impression que, sur ce sujet comme sur tant d’autres, Sarkozy et le PS dans son aile droite, c’est blanc bonnet et bonnet blanc ?
L’aile gauche du PS gagnerait à relire La Boétie qui écrivait : «Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres.» Elle est instrumentalisée par les instances dirigeantes du parti pour donner une caution de gauche à une formation politique qui a depuis longtemps cessé de parler aux classes défavorisées en ne s’adressant plus qu’aux bobos, alors que ceux-ci sont plutôt séduits par la franchise molle de François Bayrou.
Comme dans les haras à la saison de monte, l’aile gauche du PS sert depuis longtemps de boute-en-train à l’aile droite du parti qui, elle, jouit sans entraves ! Cette gauche gagnante du référendum est tout aussi négligée, méprisée, oubliée que le peuple français qui s’est exprimé. Le PS, qui va voter oui, redit que sa famille est moins le peuple souverain que la caste des politiciens de profession qui, droite et gauche confondues, peuvent légitimement prétendre aux affaires et qui, pour cette raison électoraliste, ne gâchent pas leurs chances et n’insultent pas l’avenir en s’affichant avec les gueux du non.
Que cette aile gauche du PS, qui est l’honneur des socialistes, cesse de servir de supplétif et qu’elle ramène à elle un parti qui, alors, pourra se réclamer de Jaurès en empêchant que Sarkozy le fasse à sa place…
Le projet d’Olivier Besancenot de créer un rassemblement de gauche au-dessus (au-delà ?) des partis pourrait, s’il se fait loin de l’esprit de boutique des groupuscules, sans souci d’ego, en ignorant la trivialité de la survie des petits partis (ce qui est beaucoup demander…), cristalliser une véritable opposition de gauche à la politique de Sarkozy en même temps que faire prendre conscience au PS qu’il aurait ainsi des voix à récupérer sur sa gauche et non sur sa droite, autrement dit à droite… Une gauche véritablement incompatible avec Sarkozy, avec Bayrou, avec une partie de Le Pen, donc une gauche antinomique à celle de Ségolène Royal, fournirait une force à ce qui, pour l’instant, menace d’un débordement protestataire dans la rue.
Suffrage. Dans cette logique d’un double déni sarkozyste et socialiste de l’expression du suffrage universel, il ne faudra pas s’étonner que les choses se passent désormais dans la rue. Les semaines revendicatives qui s’annoncent le rappelleront à ceux qui auraient eu le tort de l’avoir oublié trop vite…