Municipales : les électeurs veulent une gauche de gauche
Publié par cedric - le 26/03/2008

par Henri Emmanuelli et Benoît Hamon

Tirer les leçons d’une consultation électorale est un devoir primordial pour une formation politique, a fortiori pour le Parti socialiste qui a été l’acteur majeur de la victoire de la gauche dimanche 16 mars.

La première leçon est simple. Elle se lit dans la sécheresse des résultats : la droite a subi une déroute lors de ces élections municipales. Les 58 villes de plus de 20 000 habitants conquises par la gauche traduisent l’ampleur de cette défaite. Il peut sembler banal de l’affirmer mais cela est nécessaire tant l’impudence, voire l’autisme des ministres et des dirigeants de l’UMP sur les plateaux de télévision confinait au déni de réalité. Le nombre de villes conquises donne une dimension incontestablement nationale à cette défaite.

La seconde leçon concerne le « rôle central » que prétendait exercer le MoDem au centre de notre échiquier politique. A force de vouloir être partout à la fois, le MoDem n’a fini nulle part. La plupart du temps il est resté dans le giron de ses alliés traditionnels de droite, sans lesquels il n’aurait pas conservé le peu de municipalités dont les électrices et les électeurs lui concèdent encore la gestion. En entendant François Bayrou, au soir du premier tour, appeler en vain les électeurs palois à faire barrage aux « socialo-communistes », il nous revenait en mémoire cette définition que François Mitterrand donnait du centre dont il affirmait, non sans humour, qu’il n’était « ni de gauche ni de gauche ».

A CONTRESENS DE L’HISTOIRE

Nous serions donc bien avisés de stopper rapidement une inutile et grotesque « danse du centre » et de laisser François Bayrou à sa stratégie électorale narcissique. Le scrutin municipal a eu cette vertu de démontrer l’absence d’efficacité électorale de l’alliance avec le MoDem, ce qui ne signifie pas qu’il faille renoncer à parler à ses électeurs. Si le MoDem décide de rejoindre le camp de la gauche et ses valeurs progressistes, il sera le bienvenu. Cette décision lui appartient, mais n’appartient qu’à lui. En attendant, nous avons mieux à faire.

Ce que nous avons à faire, et cela sera notre troisième et dernière leçon provisoire, est de constater le glissement à gauche de notre électorat. Partout où la gauche était rassemblée, elle réalise de très bons scores. Quand elle était divisée de notre fait, alors communistes, écologistes ou extrême gauche réalisaient des scores qu’il serait absurde d’ignorer. Finalement nous sommes dans une figure classique de notre vie politique accompagnée d’une donnée nouvelle.

La figure classique est celle de la bipolarisation entre la gauche et la droite. Une bipolarisation dont nous n’hésitons pas à affirmer qu’elle est saine pour notre démocratie, qui a besoin d’options différenciées et de confrontations d’idées et de projets.

La nouveauté est celle d’une radicalisation d’une partie de notre électorat qui s’explique aisément par l’inquiétude croissante devant la dégradation des conditions de vie des classes populaires et, phénomène nouveau, des classes moyennes. Les socialistes risqueraient de passer à côté de l’essentiel s’ils ne tiraient pas rapidement les conséquences qui s’imposent de ce message adressé par les Françaises et les Français. Un message qui risque de s’amplifier tant les perspectives économiques mondiales sont inquiétantes. La crise de très grande ampleur que traverse le système financier international, et qui menace désormais d’entraîner l’économie mondiale dans la spirale de la récession, marque assurément la fin des illusions de la globalisation financière et de la libéralisation effrénée du commerce international.

Alors qu’aux Etats-Unis, en Angleterre et, demain, en France et en Europe les dirigeants seront soumis à la nécessité de prendre des mesures radicales de sauvetage du système bancaire et de se tourner vers des formes nouvelles de régulation publique de l’économie, il serait paradoxal que la gauche française, en quête d’une illusoire modernité, « mue » à contresens de l’histoire.

Nous assistons à la fin de la domination culturelle du libéralisme et du capitalisme financier. Cela constitue une opportunité sans précédent de faire avancer nos idées progressistes. C’est ce à quoi nous invitons le Parti socialiste et ce à quoi nous consacrerons notre énergie dans les semaines et les mois à venir, avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent.