Envoyée spéciale de Libération à Mont-de-Marsan LAURE EQUY
Etat fauché et collectivités locales trop gourmandes ? A l’heure où le gouvernement entreprend de réduire les déficits publics, les collectivités et leur gestion sont dans le collimateur de plusieurs de ses membres. «Aujourd’hui, les dépenses des collectivités locales progressent d’environ 6 % par an, c’est trop», a asséné Eric Woerth, ministre du Budget, ajoutant qu’il y avait un «travail à faire sur les relations entre l’Etat et les collectivités locales». La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a estimé qu’elles«n’ont pas fait preuve de la même maîtrise que l’Etat, notamment sur leurs effectifs». La gauche, qui dirige la majorité des régions et des départements, pointe, elle, que les collectivités doivent déjà contrebalancer le gel, voire la restriction, de certains crédits de l’Etat. Exemple au conseil général des Landes – présidé par Henri Emmanuelli (PS) – où, tout en affichant des finances saines, on évoque un «effet de ciseaux».
La liste de compétences à la charge du département s’allonge pour des compensations et des dotations de l’Etat jugées maigrelettes. «De plus en plus, on nous répond qu’il n’y a pas de crédits, que telle enveloppe ne sera pas reconduite», soupire un fonctionnaire. Un «désengagement» qui, pour les responsables des principaux postes budgétaires, remonterait à 2003-2004, date des lois de décentralisation du gouvernement Raffarin. Parfois contraints de régler la note seuls, de «bricoler des crédits» ou de retarder des projets, certains s’inquiètent des répercussions sur les politiques locales.
Transferts. Robert Cabé, premier vice-président du conseil général, pointe conjointement «la volonté d’utiliser la décentralisation pour basculer sur [le conseil général] de nouvelles charges et un lot de décisions insidieuses constituant un retrait de l’Etat vers les collectivités». Politiques de solidarité, routes : les transferts de compétences auraient coûté cher au conseil général, les compensations – que le gouvernement promettait «à l’euro près» – ne recouvrant pas totalement les nouveaux frais. Pour les collèges, ce sont 240 techniciens et ouvriers de service (TOS) qui ont été transférés au département. «Il a fallu compléter les formations, recruter sur des postes vacants : on a remis ce service d’aplomb et rattrapé le retard, rappelle François-Xavier Benusiglio, directeur de l’éducation. L’Etat nous rembourse en fonction des moyens qu’il mettait et non de ce qu’il aurait dû mettre. Or, il ne consacrait pas le montant nécessaire.»
Compte-gouttes. La gestion du RMI, à la charge des départements depuis 2004, crée aussi des remous. Francis Lacoste, chargé de la solidarité, constate un écart de 8 millions d’euros sur quatre ans entre les dépenses du département et la compensation, malgré la création d’un fonds de mobilisation censé pallier les insuffisances de financement. «Sans ce manque à gagner, on aurait pu développer nos actions d’insertion. Là, on les maintient avec des difficultés», en grappillant sur d’autres marges. Au ministère du Budget, on assure que ces transferts ont été systématiquement compensés et que le gouvernement a réalisé des efforts supplémentaires en modifiant certaines modalités de calcul, à la demande des élus.
Dans d’autres cas, les aides tomberaient au compte-gouttes. Robert Cabé évoque la suppression d’un fonds pour les équipements ruraux en eau, redirigé vers l’Agence de l’eau qui a dû, à son tour, diminuer les crédits. «On continue de subventionner, mais on se limite aux communes qui gèrent l’eau en régie directe.» En matière de protection de l’enfance, la loi de mars 2007 devait permettre aux départements l’embauche de psychologues, d’éducateurs, mais, selon Francis Lacoste, le décret d’application sur le financement n’a pas été pris.
Les Landes ne figurent pas parmi les plus mal lotis. Le département bénéficie notamment de droits de mutation (taxe sur les transactions immobilières) dopés par sa dynamique démographique et la flambée immobilière. Mais cette manne commence à stagner. Vu son faible endettement, il pourrait emprunter pour continuer à investir sans jouer fortement sur les taxes locales, stables depuis deux ans. Un luxe, en quelque sorte. «Pour l’instant, on tient assez bien le choc, concède Cabé. Mais on pourrait faire tellement mieux.»