En cumulant fixe, bonus, stock-options, dividendes et jetons de présence, les émoluments des PDG du CAC ont encore battu des records, malgré les aléas de la Bourse. L’Expansion lève le voile sur les 5 leviers des patrons pour gagner plus.
Attention, les rémunérations ici révélées sont susceptibles de heurter la sensibilité d’un public non averti. Les revenus encaissés en 2007 par les patrons des 40 plus grandes entreprises françaises ont augmenté… de 58 %. Une hausse ébouriffante, indécente pour certains, obtenue par l’addition de toutes leurs rémunérations.
Pour la première fois, L’Expansion a cumulé le salaire de base, le bonus, le gain encaissé sur les stock-options, les dividendes perçus et même les jetons de présence dans les autres grands conseils d’administration. En bas de cette longue colonne de chiffres, un total record pour les 40 patrons : 161 millions d’euros en 2007, contre 102 millions en 2006. Le gain moyen par tête atteint 4 millions et provient pour une part des profits réalisés en levant leurs stock-options. Les trois premiers du CAC 40 en ont tiré l’essentiel de leurs revenus en 2007 : Pierre Verluca (Vallourec) avec 18 millions d’euros, Gérard Mestrallet (Suez) avec 15 millions et Xavier Huillard (Vinci) avec 13 millions.
Des gains à faire hurler les salariés à la fiche de paie désespérément stable et au pouvoir d’achat en berne. Les patrons eux-mêmes risquent bien d’être embarrassés. A commencer par le premier d’entre eux, Laurence Parisot, qui à chaque excès prêche « la modération ». Trouble également probable chez les politiques de tous bords, condamnés à empiler les lois pour encadrer les salaires des patrons, apparemment sans succès.
Les raisons de la hausse des revenus des patrons sont pourtant connues et mécaniques. D’abord, les cours de Bourse ont été très élevés au premier semestre 2007, ce qui a fait grimper la valeur des stock-options. Mais, surtout, « le système fonctionne selon l’échelle de perroquet, décrypte Daniel Lebègue, président de l’Institut français des administrateurs. La transparence des salaires permet aux patrons de se caler progressivement sur les mieux dotés. Par ce jeu de contagion, les salaires augmentent. » Entre les salaires, les bonus, les stocks, les dividendes et les jetons de présence, chacun y va de son astuce pour gonfler ses gains. Revue de détail.
Salaire de base : + 5 %
Mieux que l’indice des prix. C’est un peu le salaire minimum des patrons. Que les profits soient remarquables ou les pertes abyssales, il tombe chaque mois. Les managers parlent d’ailleurs de rémunération… fixe. Un terme de moins en moins exact pour les grands patrons du CAC 40. Car cette forme de rétribution a augmenté en moyenne de 5 % en 2007. Certains d’entre eux se sont en plus offert des progressions à deux chiffres. C’est le cas de Guillaume Poitrinal, le patron de la société immobilière Unibail-Rodamco (+ 46 %), ou de Patricia Russo, la directrice générale d’Alcatel (+ 26 %), groupe dont les résultats évoluent pourtant plutôt dans l’autre sens (443 millions de pertes). Les jeunes promus du CAC 40 n’ont pas eu à se plaindre non plus l’année dernière : 36% supplémentaires pour Gérard Le Fur, devenu patron de Sanofi-Aventis le 1er janvier 2007, et 17 % de plus pour Jean-Pascal Tricoire, successeur d’Henri Lachmann à la tête de Schneider.
« Cette rémunération fixe représente les qualités intrinsèques du patron, sa valeur sur le papier avant prise en compte de sa performance », précise Pierre Bilger, l’ancien patron d’Alstom, devenu célèbre pour avoir rendu les 4 millions d’euros d’indemnités versés lors de son départ. Les disparités salariales traduiraient alors des différences de compétences. Un raisonnement gratifiant pour Jean-Paul Agon à L’Oréal, bénéficiaire d’un salaire annuel de 2 millions d’euros. Une logique offensante pour Jean-François Cirelli, lanterne rouge du CAC, rémunéré par Gaz de France 327 000 euros par an seulement. Vaut-il vraiment six fois moins que son confrère ? « Ces différences tiennent en fait à l’histoire des groupes. Lindsay Owen-Jones, le prédécesseur de Jean-Paul Agon, percevait un fixe de 3,75 millions d’euros. Beaucoup moins bien rémunérer son remplaçant constituerait un camouflet, susceptible de distiller chez les actionnaires le doute sur ses capacités à faire aussi bien », explique un consultant en rémunération.
La question du salaire de base jette une lumière crue sur les inégalités dans le CAC 40, mais elle peut aussi semer la zizanie au sein des sociétés. « La garde rapprochée du patron peut se sentir maltraitée. Le n° 1 de la société ne devrait pas gagner 30 à 50 % de plus que le n° 2 », poursuit Pierre Bilger, attentif à la paix des ménages. Chez BNP Paribas, Baudouin Prot gagne 900 000 euros, soit près de deux fois la paie de Jean Clamon, son directeur général délégué. Un entretien de fin d’année animé en perspective !
Bonus : + 5 %
L’incitation à faire du chiffre. A première vue, tout va bien. L’évolution des bonus 2007 des patrons du CAC 40 suit peu ou prou celle des profits de leurs entreprises. En hausse de 5 % de part et d’autre. Les appels « à la mesure » lancés par le Medef auraient donc été entendus. Après la perte de 5 milliards d’euros par le courtier Jérôme Kerviel, le patron de la Société générale, Daniel Bouton, a dignement renoncé à son bonus. Mis à l’amende pour constitution d’un cartel dans le vitrage, le directeur général de Saint-Gobain, Pierre-André de Chalendar, a sacrifié quant à lui 400 000 euros de primes. Mais il existe aussi quelques contorsions possibles pour maintenir ou augmenter son pouvoir d’achat. Alors que les résultats de Vivendi ont baissé de 35 %, la part variable de son président, Jean-Bernard Lévy, s’est accrue de 11%. La martingale ? Les primes sont en partie indexées sur des « actions prioritaires de la direction générale». Un concept assez flou.