Benoît Hamon dirige la motion dite du « pôle de gauche » du Parti socialiste, sur laquelle figure aussi Henri Emmanuelli. À 40 ans, le député européen est le plus jeune des candidats au poste de premier secrétaire du PS.
« Sud Ouest Dimanche ». Dans un contexte de crise du capitalisme, peut-on envisager un Benoît Hamon comme premier secrétaire du PS ?
Benoît Hamon. D’abord, je ne me réjouis pas de l’existence de cette crise, qui va avoir à court terme des conséquences sociales considérables : délocalisations, licenciements, chantage à la perte d’emploi ou à la baisse de salaire dans certaines entreprises, etc. Mais il est vrai que la crise actuelle vient valider ce que nous répétons depuis plusieurs mois. À savoir que nous arrivons à l’épuisement du système néolibéral et qu’il ne s’agit pas seulement d’un accident.
Mais attention ! On ne sait pas ce qui vient derrière. Il y a des réponses progressistes, mais celles-ci ne s’imposent pas automatiquement ; on peut même connaître au contraire un repli identitaire ou xénophobe. C’est pourquoi nous abordons ce congrès de Reims avec beaucoup de gravité : au moment où la crise valide les thèses de la gauche, celle-ci se trouve partout en très mauvais état avec 14 élections perdues sur les 16 qui se sont tenues en Europe depuis juin 2006 ! La crise de la social-démocratie est générale.
Cette crise n’est-elle pas au contraire une chance pour le capitalisme de se réformer ?
S’il s’agit seulement d’injecter des fonds publics pour que les banques puissent se prêter de l’argent entre elles et éponger leurs dettes de jeu, d’organiser une grande loi d’amnistie, elles recommenceront à spéculer comme avant. Il y aura toujours une économie de marché et des banques privées ; l’enjeu est de trouver de nouvelles règles.
Nous pensons qu’il faut créer un pôle financier public à côté d’un secteur bancaire privé. Ce qui passe par la nationalisation d’un certain nombre de banques, au service des investissements à long terme, du financement de la croissance verte et de la recherche.
Il faut aussi fixer des règles du jeu, par exemple taxer les flux financiers en provenance des paradis fiscaux. Il faut également en finir avec ce système qui privilégie depuis trente ans la rémunération des actionnaires à celle des salariés, par exemple en posant un certain nombre de restrictions au libre-échange pour éviter le dumping social ou environnemental de certains États.
Enfin, il faut réorienter la politique européenne. Une des grandes leçons de cette crise, c’est l’incapacité des autorités européennes à réagir et à apporter des solutions.
Ça n’aurait pas été plus facile si nous avions aujourd’hui une Constitution européenne ?
Cela n’aurait rien changé. On n’aurait pas eu davantage la possibilité de lever un emprunt européen. Ce qui serait nécessaire pour réamorcer la pompe de l’économie européenne. Il faut être pragmatique ! C’est pour cela que nous proposons de sortir des critères du pacte de stabilité. Et un copilotage de la politique monétaire par l’Eurogroupe et la Banque centrale européenne.
Existe-t-il de réelles divergences entre les principales motions à propos de cette crise économique ?
Oui, les divergences existent. Certains camarades pensent que notre rôle, aujourd’hui, consiste à aider la remise sur pied des marchés financiers, avec juste quelques corrections à la marge. Moi, je pense que cette crise doit nous permettre de renverser la table et de changer la nature du système. Les autres ne parlent pas de nationalisations et peu d’une réflexion sur le libre-échange. Parler de régulation ne suffit pas !
En fait, vous voulez refermer la « parenthèse » ouverte en 1983…
Elle se referme d’elle-même. La question est de savoir si l’on prend acte d’un nouveau cycle.
Face à cette crise, qu’aurait-il fallu faire que n’a pas fait Nicolas Sarkozy ?
Sarkozy, il ges-ti-cule, mais il n’obtient aucun résultat. Il ajoute la crise à la crise. D’une main, il annonce le retour de la puissance publique. De l’autre, il continue la privatisation de La Poste… et de La Banque postale. C’est le moins bien placé pour répondre à cette crise, car il est le produit de ce système et son objectif aujourd’hui est de sauver ce système.
Avec qui êtes-vous disposé à vous allier au congrès de Reims ? Quelle majorité souhaitez-vous pour le PS ?
Qui est prêt à reconnaître que nos thèses doivent vertébrer notre doctrine économique ? C’est à eux de le dire. Je serais ravi de me mettre autour d’une table pour discuter avec eux. Il n’y aura pas de majorité sans nous. Le monde change et la France aussi ; si seul le PS ne change pas… Même le PS n’est pas éternel !
Auteur : Recueilli par Bruno Dive, rédaction parisienne