Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) a publié à la mi-décembre son enquête annuelle sur l’équipement de la population en technologies de l’information (1). Pour Régis Bigot, directeur adjoint du département des conditions de vie, co-auteur de l’étude, on reste encore loin d’un accès généralisé.
Alors que le taux d’abonnement au téléphone fixe n’avait cessé de chuter, le voici qui remonte. Comment expliquer ce phénomène ?
Ces dernières années, le mobile et le fixe se sont trouvés en concurrence. Pourquoi payer deux abonnements à la fois ? D’où le choix, pour une partie de la population, de ne pas ou ne plus avoir de fixe. Mais l’un des phénomènes actuels les plus importants dans les domaines des nouvelles technologies est le développement de l’accès au téléphone via l’Internet, qui réduit fortement le coût des communications : 37 % de la population des 18 ans et plus y a accès, contre 7 % il y a trois ans. Pour avoir accès à cette technologie, il faut un abonnement au fixe, d’où la remontée du taux.
Mobile, micro-ordinateur, Internet, les chiffres font apparaître des progressions dans tous les domaines. On entre dans la « société des nouvelles technologies » ?
Ces évolutions sont rapides : on atteint 78 % d’équipement en téléphone portable, 66 % en ordinateur domestique et 61 % d’accès à l’Internet à domicile. Les progrès sont visibles dans toutes les catégories de population. Par exemple, en 2008, le taux d’équipement en micro-ordinateur a augmenté de 10 points chez les ouvriers. Les familles modestes font tout pour que leurs enfants soient « comme les autres » et aient accès à ces technologies. Du coup, les taux sont très élevés chez les jeunes : 89 % des 12-17 ans ont accès à Internet à domicile.
Pour autant, il ne faut pas oublier que 40 % de la population française des plus de 12 ans, soit 21,6 millions de personnes n’ont pas accès au grand réseau mondial. Tout le monde fait comme si l’accès était une évidence, dans les médias, les services publics et plus généralement la France des diplômés, alors que l’Internet n’est pas généralisé. La « blogosphère » n’est pas accessible à tous, loin de là.
Quels sont les clivages principaux qui perdurent ?
Il existe d’abord une question d’âge et de génération. A un âge élevé, on voit moins l’utilité de l’Internet. Ceux qui n’ont jamais utilisé d’ordinateur dans leur vie active auront beaucoup plus de difficultés, même si cet effet de génération s’estompera au fil du temps. Ensuite, installer un ordinateur, une connexion et surtout la réparer en cas de problème, cela demande des compétences : les trois quarts des sans diplômes ne sont pas équipés. Enfin, s’équiper reste coûteux. 57 % des personnes qui ont des revenus inférieurs à 900 € mensuels n’ont pas de connexion à Internet. Tous ces facteurs se cumulent.
Si l’accès se développe, est-ce que les écarts ne porteront pas demain sur l’usage ?
L’accès a progressé très vite mais l’évolution sera forcément de plus en plus lente. Rien ne dit que l’accès à l’Internet se généralisera comme le téléphone, la télévision ou le réfrigérateur. D’ailleurs, le mouvement de baisse des inégalités face aux différentes technologies, enregistré depuis 1995 est pour la première fois stoppé en 2008, selon nos indicateurs. Bien sûr, la fréquence et le type d’usage reste différencié socialement, mais comme peut l’être celui de la télévision ou des lecteurs. Ce qui est sûr c’est qu’une très petite minorité s’en sert pour s’informer. Seul un dixième de la population pense que c’est le meilleur moyen pour s’informer : 15 % des cadres et 8 % des ouvriers.
Propos recueillis par Louis Maurin. Version adaptée d’un article extrait du magazine Alternatives Economiques n°276, janvier 2009.
(1) La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française (2008), Crédoc. Accessible à partir du site www.arcep.fr