En choisissant de présenter systématiquement des listes autonomes dès le premier tour des élections régionales, comme le voulait Jean-Luc Mélenchon, la direction du PCF a fait une erreur. Un autre choix était possible et souhaitable. Nous participons depuis cinq ans à l’exécutif de la plupart des conseils régionaux dirigés par la gauche. La première question à laquelle il eut fallu répondre était : «Avons-nous eu raison ou tort d’y participer activement ?» Si la réponse est positive, il n’était pas absurde, sur la base d’un bon bilan (quand c’est le cas), de proposer dès le premier tour la signature d’un bon accord sur un bon projet qui intègre à la fois les attentes populaires, les moyens de les mettre en œuvre et le refus de toute hégémonie de qui que ce soit.
Cela supposait qu’à partir d’une orientation nationale unitaire, région par région, les communistes et leurs élus apprécient les possibilités de renforcer les propositions visant à résister et à s’attaquer aux offensives libérales. De ce point de vue, si nous voulons mieux agir et mieux rassembler, il est urgent de faire du neuf pour lutter contre les délocalisations, mais aussi pour le contrôle des fonds publics, la défense et le développement des services publics, des logements sociaux accessibles, le développement durable et le report modal dans le domaine des transports, la lutte contre la spéculation foncière, l’aide à l’emploi, à la culture, aux PME, aux agriculteurs. En matière de droits aussi et de suivi des engagements pris devant les électeurs, de telle sorte que soient créées les conditions de rassemblement et de mobilisation populaires face aux choix nationaux et européens.
Au lieu de cela, c’est une stratégie ambiguë qui a été choisie. Ambiguë parce qu’elle propose que les votes de ceux qui sont favorables à l’union s’additionnent avec ceux qui ne veulent pas d’union du tout et considèrent le PS comme le parti à battre, quitte à lui préférer la droite, «comme ça les choses sont claires». Le Parti communiste n’a rien à y gagner, il a au contraire tout à y perdre dans le lien avec l’électorat populaire et progressiste qu’il lui reste. La radicalité sectaire ne profitera qu’à ceux qui en font leur fonds de commerce dans la perspective de se présenter à l’élection présidentielle.
Le Front de gauche ne devrait pas s’aventurer dans ces méandres-là. Il a toute sa place pour discuter sans attendre et avant le premier tour avec le Parti socialiste et les autres partenaires de gauche. On me dit qu’il faut profiter de l’affaiblissement électoral du PS pour se mesurer, en quelque sorte, entre ceux qui, depuis l’origine du mouvement ouvrier, veulent accompagner socialement le système capitaliste et ceux qui veulent en découdre avec lui. Prenons alors en compte le résultat des uns et des autres aux élections européennes et ne courons pas le risque que ce rapport se modifie en notre défaveur lors d’un premier tour fratricide.
Soyons sérieux. Prétendre que l’on signera un meilleur accord le lundi soir après le premier tour avec le PS et ses alliés alors que la nécessité de faire front pour battre la droite l’emportera sur tout le reste (alliance avec les Verts ou le Modem), c’est se lier les mains et les pieds sur un contenu a minima. Que l’on tourne la question dans un sens ou dans un autre, les arguments pour l’union que nous avions développés dès le premier tour en 2004, se trouvent aujourd’hui confortés par le bilan et par la situation.
Le plus grave dans la stratégie adoptée par la direction du Parti communiste, c’est la division qu’elle induit, au sein de la gauche comme chez les communistes eux-mêmes. Nous n’avions pas besoin de cela. Ce qui est grave aussi, c’est la césure qui risque de s’aggraver entre les structures du parti et les élus. D’ores et déjà, beaucoup songent aux futures municipales : que devront-ils faire si la même stratégie d’autonomie anti-PS venait à être décidée ? Bonjour les dégâts ! Divisée, la gauche peut être battue et le combat pour la transformation sociale, affaibli. Ne prenons pas ce risque.