Aux deux bouts de la chaîne (et pas seulement socialiste), l’inquiétude est palpable. « C’est même du désarroi », rajoute Stéphane Delpeyrat. Le maire de Saint-Aubin (465 habitants) et président de la petite communauté de communes du canton de Mugron (5 600 âmes) peut en témoigner. Comme le vice-président du Conseil régional qu’il est également, plus dans la peau du responsable politique, qui sait étayer cette sourde colère envers les idées du Président de la République de quelques exemples parlants. « Remettre ainsi en cause, via ces deux réformes et en pleine crise économique, l’avenir de nos territoires et en particulier de nos territoires ruraux, c’est un vrai scandale démocratique. C’est pour cela que nous voulons un référendum. » En attendant, voilà pourquoi les élus locaux sont inquiets.
1 « Réforme territoriale ? C’est ubuesque »
L’élu régional socialiste est évidemment partisan. Mais ses arguments pèsent. « En créant les conseillers territoriaux, on veut diminuer les élus locaux de moitié en les passant de 6 000 à 3 000, au prétexte qu’ils coûtent trop cher. Mais d’abord, ils représentent 0,2 % du coût global des élus en France, qui est lui-même dans la tranche basse en Europe. C’est une campagne démago, qui vise à décridibiliser les élus locaux… lesquels sont majoritairement de gauche. C’est du mépris. Surtout, en marge du mode de scrutin effrayant, on crée encore plus de confusion en changeant les compétences, avec des élus qui seraient sur deux territoires à la fois. Sachant que l’État est en déficit chronique et a déjà transféré un maximum de ses compétences régaliennes, avec les charges qui vont avec, on nous dit maintenant qu’il y a enchevêtrement ? C’est ubuesque. Les collectivités vont se retrouver devant des choix cornéliens : soit arrêter leurs indispensables investissements, soit augmenter les impôts. »
2 « Sans TP, c’est l’asphyxie assurée »
C’est qu’en parallèle, pointe la réforme de la Taxe professionnelle (TP). « Aujourd’hui, pour 2 euros d’impôts, un provient des ménages, l’autre vient des entreprises. Demain, 73 % sera à la charge des ménages, 27 % pour les entreprises. Et pour prendre l’exemple du Conseil régional, 17 % de ses ressources proviendra de la fiscalité, le reste de l’État, dont il sera totalement dépendant. C’est remettre en cause le principe même de la décentralisation. Hors leur stricte compétence, les collectivités n’auront plus aucune marge de manoeuvre financière, donc politique. Or, on sait tous qu’aujourd’hui, les défaillances du service public de proximité sont compensées par les collectivités. Là, c’est l’asphyxie assurée pour tous les budgets, jusqu’aux plus petites communes. On va également couper le lien entre le territoire et les entreprises : comment un élu va justifier l’installation d’une entreprise sur son sol sans le levier de la TP ? Les chefs d’entreprise devraient plutôt s’en inquiéter que s’en féliciter. »
3 « Tous les maires ont bloqué leurs projets »
L’élu le constate apparemment chaque jour un peu plus en ce moment : « Tous les maires sont paniqués. Dans ma CDC, on a bloqué le projet d’un centre de loisirs, d’une crèche et c’est partout pareil. Sans la TP, on ne peut plus financer. Surtout si les autres collectivités n’ont plus les moyens de sortir les compétences. Et quand on rajoute les sommes que leur doit l’État ! Sur la LGV, ce sont 600 millions d’euros que la région doit débloquer ! Avec ces réformes, le risque est vraiment de mettre le pays en panne. Dans sa dérive autoritaire et autocratique, M. Sarkozy remet tout simplement en cause l’architecture démocratique et territoriale de notre pays. Et il voudrait le faire sans consulter les gens ? On doit expliquer aux citoyens que le risque pour eux, c’est plus d’impôts pour moins de services. Il y aura des motions dans les collectivités, des pétitions dans la rue. Et le premier référendum, on doit faire en sorte que ce soit les prochaines élections régionales. » Une conclusion opportunément politique, mais en pareil cas, c’est de bonne guerre…
Auteur : jean-pierre dorian
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