Tribune libre parue dans Aqui.fr
Parce que la bataille contre l’autosolisme et la transition des motorisations ne suffiront pas, c’est d’abord par les transports collectifs, chaque fois qu’ils sont pertinents en termes de demande de déplacements, que se gagnera la bataille du développement durable. A l’heure de la crise climatique, c’est un impératif de faire des choix maintenant pour les nouvelles générations : la part des transports dans nos émissions de gaz à effet de serre et notre consommation énergétique nous oblige à agir.
La Région Nouvelle-Aquitaine n’a pas attendu la LOM pour être volontariste sur les mobilités, à commencer par le rail. Ne nous voilons pas la face : la situation ferroviaire est alarmante. Si l’encadrement par la Région des services de TER a fait d’énormes progrès, avec un contrat exigeant signé l’an dernier, l’infrastructure tombe néanmoins en ruine, malgré les investissements massifs de notre Région hors de nos compétences. Au printemps dernier, les besoins de régénération du réseau de Nouvelle-Aquitaine ont été ré-estimés lors d’un important travail avec SNCF Réseau à plus de 1,2 Md€, le double des projections antérieures. Et il ne s’agit pas de « petites lignes » désertées de clients, comme s’est plu à le dire le rapport Spinetta. Dans notre Région, en majorité, il s’agit de dessertes de villes de 50000 à 200 000 habitants, avec des trains bondés aux heures de pointe. La question de la fermeture de ces services n’est pas une option.C’est le résultat de plusieurs décennies de désengagement budgétaire de l’Etat et de focalisation de la SNCF sur d’autres enjeux souvent financiers. L’avancement désastreux des contrats de plan ferroviaires, dû au retard de l’Etat, est un symptôme de la situation.
Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, l’objectif est clair : aucune fermeture de lignes ! En plus des 300 M€ par an de subvention pour faire circuler les trains express régionaux, notre Région s’est aussi engagée à doubler son investissement ferroviaire dans les 10 prochaines années, afin de mettre en œuvre un plan de régénération et de modernisation des rails de 1,2 Md€ en dix ans, au lieu des 500 M€ prévus dans le CPER.
Pour essentiel qu’il soit, le train ne fait pas tout. Aussi, notre Région refond complètement son réseau de services d’autocars : tarifs, tracés des lignes, abolition des frontières départementales … Ce réaménagement se fait en lien avec les collectivités locales, afin d’articuler l’offre interurbaine et l’offre urbaine, parfois même avec des accords tarifaires. La Région a engagé en outre, dans le cadre de sa feuille de route Neo Terra, un important programme de verdissement des flottes d’autocars.
Et puis, l’ensemble de ces services fait également l’objet d’une approche intégrée de billettique et de recherche d’itinéraires. Le Syndicat mixte Nouvelle-Aquitaine Mobilités propose un service unifié de calcul d’itinéraires sur internet et sur application, et bientôt de vente de titres, qui s’appelle Modalis, intégrant les TER, les autocars, les offres urbaines, et même le covoiturage puisque divers services se développent avec des opérateurs. C’est l’embryon du fameux « MaaS régional », pour reprendre cet affreux anglicisme : une approche intégrée de l’ensemble des collectivités, de la petite communauté de communes à la Région en passant par la Métropole de Bordeaux.
De son côté, en début de législature, le Gouvernement avait annoncé sa priorité sur les trains du quotidien, lancé des assises de la mobilité, annoncé un plan inédit d’investissements sur les réseaux et à la fin une grande loi de programmation, la LOM. Certes, la LOM semble conforter les Régions en tant qu’acteurs incontournables des mobilités… Mais derrière les mots, quels sont les moyens accordés ? Les intentions affichées sont louables mais le compte n’y est pas ; en vérité, la LOM est un cadeau empoisonné où l’Etat se défausse de ses responsabilités, une décentralisation sans compensation de charges, une opération de communication sur le dos notamment des régions. De plus elle raye d’un trait l’avenir du rail en reportant des chantiers ferroviaires indispensables pour l’Europe, la France et notre Région, comme la LGV au sud de Bordeaux. Opposr les transports du quotidien à la grande vitesse est une ineptie, le rail a toujours su faire cohabiter des trains de fret, des TET, des TER et des LGV partout dans le monde mais avec des infrastructures qui peuvent le supporter, là est bien l’enjeu !
Le fret ferroviaire, parent pauvre de la loi
Que dire de l’abandon notoire du fret ferroviaire parent pauvre ce cette loi, que dire de la nomination de représentants de Bercy dans les Conseils d’Administration des SNCF à la place de ceux du Ministère des Transports, que dire enfin du manque de vision globale de la loi sur ce qui pourtant faisait l’unanimité dans notre pays depuis longtemps, le report modal.
Hélas, de la part du Gouvernement, la réponse cohérente et efficace à cette urgence de la ruine du rail se fait toujours attendre, et les récentes propositions qui font suite au énième rapport ne nous rassurent pas, à vous « vos petites lignes » sans l’Etat, à nous les lignes structurantes. Et, pourtant, dans quelques mois, l’année prochaine, les trains ralentiront encore pour des raisons de sécurité, voire même arrêteront de circuler, comme entre Limoges et Angoulême.
N’en déplaise à l’Etat recentralisateur, dès les prochaines mandatures municipales, la Région va engager le dialogue avec les communautés de communes, en vue d’une élaboration de contrats de mobilité. C’est évidement l’enjeu de la mobilité rurale qui se jouera dans ces contrats, nous ferons des propositions concrètes pour faciliter la mobilité des néo aquitains. De plus, même si le Gouvernement n’a pas souhaité dans la LOM doter les Régions de moyens spécifiques avec, par exemple, le Versement Mobilité, ces discussions seront loyales avec les communautés de communes. La Région cherchera des accords équilibrés, car l’essentiel est d’offrir le service aux usagers qui n’ont pas toujours d’alternative.
Notre réponse est pourtant à la hauteur de l’urgence : responsable, collective et courageuse. Mais nous n’y arriverons pas seuls. Les enjeux de mobilité et d’aménagement du territoire, mais aussi de transition énergétique et écologique, méritent que tous les acteurs s’impliquent pleinement, en adéquation avec leurs moyens.